Le coworking est-il la meilleure arme contre la fracture territoriale?

Les espaces de coworking représentent de nombreuses opportunités pour allier qualité de vie personnelle, richesse sociale de l’entreprise et neutralisation de la fracture territoriale. Cependant, la multiplicité des enjeux du développement des territoires conciliée aux nouvelles méthodes de travail engendrent de nouveaux obstacles.

Patrick Levy-Waitz, président de la fondation Travailler autrement, a été nommé à la tête de la mission Coworking par le gouvernement en début d’année. L’objectif: décrypter le phénomène du développement des espaces de travail partagé collaboratif en France pour lutter contre le déclassement des territoires. Rencontre.

Le gouvernement vous a nommé à la tête de la mission Coworking en début d’année. Quelle est votre feuille de route?

Patrick Levy-Waitz, à la tête de la mission Coworking: Nous sommes chargés de capter les besoins et le fonctionnement des tiers lieux (espaces de travail partagés collaboratifs, ndlr) dans les territoires, parmi lesquels les espaces de coworking, qui se sont nettement développés ces dernières années. En d’autres termes, nous devons identifier les facteurs clés de succès et écueils à éviter pour accélérer la dynamique de ces tiers lieux dans les territoires.

Où en êtes-vous?

J’ai été missionné par le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires Julien Denormandie en février dernier. Jusqu’à mi-juin, nous menons une consultation publique nationale en ligne qui doit s’achever mi-juin. De mon côté, je me déplace partout en France pour rencontrer les acteurs locaux impliqués de près ou de loin dans cette dynamique. Je devrais avoir mené d’ici à juin une centaine d’audits auprès d’au moins 300 personnes. L’objectif est ensuite de remettre au gouvernement un rapport détaillé courant juin.

Quels enjeux soulève le développement des tiers lieux en France?

Nous sommes arrivés à moment singulier. Nous assistons à une triple transformation numérique, écologique, sociétale dans laquelle les Français sont à la recherche d’un nouvel équilibre, notamment entre leur vie professionnelle et personnelle. Nous sommes à l’aube d’une révolution. Qui dit nouvelles attentes, dit nouveaux besoins pour travailler autrement. Le développement du télétravail et l’explosion des tiers lieux ces dernières années l’attestent. Rien qu’en 2017-2018, on recense environ 1.000 espaces de ce type, alors qu’ils étaient quasi-inexistants auparavant. Les citoyens s’emparent de cette opportunité pour créer, collaborer et innover différemment.

En parallèle, nous sommes en train de prendre acte d’une réalité: aujourd’hui, les territoires ruraux sont très en retard par rapport aux métropoles qui agrègent à elles seules les trois quarts des tiers lieux. Il faut dire que nous héritons de quinze ans de retard sur le numérique, en particulier en termes d’infrastructures. Le deal de 3 milliards d’euros investis dans le développement de la 4G dans les zones blanches, conclu en début d’année entre les opérateurs télécoms et l’Etat, est de ce point de vue majeur. Les conditions vont enfin être réunies pour permettre de rattraper notre retard tout en favorisant l’émergence de nouvelles activités partout en France.

Quels sont, pour l’heure, les principaux freins que vous avez identifiés en la matière?

Les questions de modèles économiques, de maillage territorial, de financement ou encore de gouvernance divergent fondamentalement selon que vous soyez WeWork à Paris, ou une bibliothèque municipale dans une zone rurale. Raison pour laquelle nous devons bien décrypter le phénomène afin d’éclairer le gouvernement sur les manières d’accompagner au mieux le mouvement. Toute la question est de savoir comment soutenir ces nouvelles façons de travailler pour faire de ces lieux un levier d’efficacité collective. En filigrane, l’objectif est bien de redonner ainsi vie à certains territoires. Cela peut être fantastique comme désastreux si nous loupons le coche.

Par Marion Perroud le 25.05.2018